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« En Chine, la plupart des milliardaires ont soit subi un recadrage, soit pris leurs dispositions pour ne plus se faire remarquer »

Avant, Wang Hongquan se félicitait de ne pas sortir sans porter sur lui pour au moins 10 millions de yuans (1,3 million d’euros) de bijoux et de produits de luxe. Depuis le mois de mai, il n’apparaît plus du tout en public. Cet influenceur, tout juste la trentaine, se vantait d’avoir sept appartements dans une résidence très haut de gamme de l’est de Pékin, La Rivière des étoiles, sans habiter dans le plus grand (991 mètres carrés) qui manque un peu de lumière à son goût.
Sa carrière, qui consistait à exhiber à outrance sa fortune dans de courtes vidéos à ses plus de 4 millions de followers sur Douyin, la version chinoise de TikTok, traverse un trou d’air. Celui que l’on surnomme parfois le « Kim Kardashian chinois » a disparu des réseaux depuis que le pouvoir a lancé au printemps une de ses « campagnes », c’est-à-dire une période ponctuelle mais acharnée et très visible d’action politique, cette fois contre les célébrités d’Internet qui flambent trop.
Comme lui, une richissime influenceuse qui, depuis son manoir de 2 000 mètres carrés et ses jardins, avait amassé 2 millions d’abonnés, Grande Sœur Ormeaux (du nom de ce fruit de mer particulièrement onéreux dont raffolent les Chinois les plus fortunés), n’est plus visible en ligne. Ceux qui promeuvent « l’extravagance et le gâchis » ou « exhibent la fortune et ont le culte de l’argent » n’ont plus leur place en ligne, expliquait une note officielle sur les réseaux avant l’été. Il s’agit plutôt de promouvoir « des valeurs rationnelles et saines de consommation ».
Que la Chine se soit enrichie ces dernières décennies est une réalité indéniable, mais le slogan du dirigeant chinois Deng Xiaoping en 1986, « laisser certains s’enrichir pour qu’ensuite ils aident les autres à s’enrichir », d’abord employé pour expliquer l’ouverture des régions côtières, a vécu. Le Parti communiste s’inquiète désormais moins de l’extrême pauvreté, qu’il considère avoir pour l’essentiel battue, que des inégalités, particulièrement visibles. Elles sont politiquement sensibles et, depuis une réunion économique présidée par le secrétaire du parti, Xi Jinping, au mois d’août 2021, le mot d’ordre est désormais la « prospérité commune ».
Dès son arrivée au pouvoir, en novembre 2012, M. Xi avait bien compris que la richesse des uns était un sujet de mécontentement. En tapant sur la corruption, outre le fait qu’il pouvait placer ses hommes, il a rencontré un écho favorable chez le petit peuple, qui la subit. Même s’il est toujours possible de voir passer, de temps à autre, une Rolls-Royce rose ou une Lamborghini dorée, la plupart des fortunes chinoises ont compris qu’il était plus judicieux de faire profil bas – ou sont parties vivre à l’étranger, à l’image du couple Pan Shiyi et Zhang Xin, des milliardaires dont les projets immobiliers ont redéfini l’architecture de Pékin et qui résident désormais à New York.
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